
Au total, 14 victimes de crimes de disparitions forcées ont fait leur témoignage au cours de la 3è audience publique de la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR) qui s’est déroulée, samedi 03 Avril 2021 au Centre international de conférence de Bamako (CICB). Le thème de cette audience portait sur «les crimes de disparitions forcées». L’ouverture des travaux a été présidée par la ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, Mme Bintou Founé Samaké, représentant le Premier ministre. C’était en présence du président de la CVJR, Ousmane Oumarou Sidibé.
Dans l’agenda de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), 06 audiences sont prévues, qui visent à contribuer à l’instauration d’une paix durable à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation de l’unité nationale et des valeurs démocratiques. Ces audiences de la Commission visent notamment à rendre aux victimes leur dignité et faciliter un début de guérison, en reconnaissant publiquement ce qui leur est arrivé, promouvoir la reconnaissance nationale des victimes et l’intégration de leurs récits à la mémoire et à l’histoire nationales.
Dans son intervention, le président de la CVJR, Ousmane Oumarou Sidibé aura précisé que ces disparitions forcées ne sont ni l’apanage d’un régime politique ni d’un acteur institutionnel en particulier. «Les rébellions, coups d’État, tentatives de coups d’état et autres crises politiques sont hélas accompagnés bien souvent de disparitions forcées», a-t-il regretté.
Quant à la ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille Mme Bintou Founé Samaké, représentante du Premier ministre, elle a également rappelé que la paix et la réconciliation nationale sont au cœur de la Transition. Et que l’objectif prioritaire des autorités de la Transition en réponse à une attente forte de nos concitoyens meurtris par une crise multiforme qui a fragilisé, est le fondement même de notre nation, héritière pourtant d’une tradition multiséculaire, de tolérance, d’humanisme et de vivre ensemble.
Parmi les témoignages poignants des 14 victimes, figure ainsi le récit pitoyable d’Ousmane Macinanké qui n’a plus les nouvelles de son père depuis 2013 soit 09 ans aujourd’hui. Enlevé devant lui-même, lors de la libération de Konna, la victime Macinanké a affirmé que deux militaires étaient venus braquer des armes sur lui afin qu’il leur montre son père. Du coup, M. Macinanké s’est mis devant eux pour aller sur le lieu de travail de son père au marché. De là-bas, le père Macinanké a été enlevé par des hommes inconnus, laissant ainsi toute sa famille dans l’inquiétude et jusque là, rien que dans la douleur. Son fils Ousmane dit l’avoir cherché partout dans les camps de Gendarmerie, de police, de militaire, dans les prisons et même dans les morgues de la région…sans gain de cause.
Déserpéramment installé dans son village, Ousmane Macinanké s’est énormément réjoui de l’arrivée de la Cvjr et d’être présent sur le plateau de son audience publique pour partager la douleur de sa famille avec tout le monde. Il a enfin insisté que la justice soit faite afin que le pays puisse retrouver le plus tôt possible la réconciliation et l’unité nationale.
À noter également des cas aussi emblématiques qui datent de plus de 40 ans.
-Les frères d’Abdoul Karim Camara dit Cabral, ancien leader estudiantin, victime également de disparition, Mamadou Bassirou Camara et Farouk Camara sont sortis de leur silence au cours de cette audience. Ces événements se sont déroulés dans les années 80. Selon les frères d’Abdoul, Tout a commencé le 10 mars 1980 quand les policiers du 1er arrondissement sont venus chercher leur frère Mamadou Camara et leur maman. Ces arrestations ainsi que celle des autres membres de la famille avaient pour but d’avoir des informations sur Cabral mais aussi de faire en sorte que ce dernier se rende. C’est ainsi que l’un des cousins du jeune étudiant d’alors a conduit les agents chargés de l’enquête à Massala, à l’ouest de Bamako, où Cabral sera arrêté. Il sera conduit au 2è arrondissement avant d’être plus tard exécuté par le régime de Moussa Traoré, selon ses parents.
-Pour la victime Fatoumata Traoré, elle a voulu connaitre le sort de son mari qui a été victime «d’enlèvement par les groupes armés», à Niafunké, en 2015, où son époux a rencontré des individus à moto. Et depuis, elle n’a plus revu son compagnon. Fatoumata Traoré, qui a une fille à sa charge, souhaite savoir aujourd’hui ce qui est arrivé à son mari.
En recommandation, tous les témoins blessés, victimes dans leur chère âme veulent savoir où se trouvent leurs proches sinon leurs corps afin qu’ils puissent faire leur deuil pour un Mali uni, réconcilié, sécurisé et en paix.
Nia Dialla KEITA
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